Le 1er avril 1284, le prieuré d’Allichamps est visité par l’archevêque de Bourges, Simon de Beaulieu, qui bénit de l’eau pour la réconciliation de l’église de Châteaumeillant, preuve que l’ancien itinéraire romain (voie romaine allant d’Avaricum à Néris-les Bains, avec une branche traversant le Cher à Bruère en direction de Châteaumeillant) est encore en activité.


Le 11 novembre 1285, le convoi funèbre du roi Philippe Le Hardi se serait arrêté à Bruère, à la chapelle Saint Pierre.

Le 27 juin 1286, le seigneur local Annisius dit Goderat de Bruère, paroissien de l’église Saint-Etienne d’Allichamps, donne ses biens à l’abbaye de Plaimpied.

Au cours des siècles suivants, l’église souffre de plusieurs évènements traumatiques et remaniements. Ainsi, le territoire autour de Bourges, auquel appartient Bruère-Allichamps, est au coeur des conflits de la Guerre de Cent ans, puis est confronté aux guerres de Religion, dans la seconde moitié du XVIe siècle, et à la Fronde entre 1648 et 1653. La nef semble avoir été reconstruite une première fois au cours des XVe et XVIe siècles, à la suite de ces différents conflits. Par ailleurs, plusieurs zones de maçonneries rubéfiées sur les murs gouttereaux et les bras du transept témoignent d’épisodes d’incendie.

Le programme initial de l’église prieurale devait être celui d’un édifice suivant un plan bénédictin, composé d’un chevet à abside et deux absidioles, d’un transept, et d’une nef à travées, flanquée de collatéraux accessibles depuis le transept par les passages berrichons.
Les vestiges, sur les piles de la croisée, d’arcades tournées vers la nef témoignent de ce projet initial de nef à travées mais l’absence de vestiges de fondations d’autres piles dans la nef indique que le programme initial ne fut pas mené à terme, sans doute par souci d’économie ou en raison du contexte historique du Berry à la fin du XIIe siècle (région frontalière aux affrontements entre le roi de France et le duc d’Aquitaine).


L’église devait donc être composée d’un choeur, d’une grande richesse architecturale, et d’une nef unique, probablement charpentée, issue d’un second programme plus modeste, assumant le remploi de la façade occidentale plus ancienne, avec une largeur de nef plus étroite, par soucis d’économie. Aujourd’hui, plusieurs vestiges subsistent de cette église : le chevet et le transept, la façade Ouest et la portion occidentale de la nef, les arrachements de l’ancienne nef visibles au droit des bras de transept.


Entre le Renaissance et la Révolution

En 1569, le passage des reîtres du Duc des Deux-ponts, venant de La Charité et se dirigeant vers le Limousin, a été marqué par d’importants ravages. Il est probable qu’Allichamps se soit trouvé sur le chemin de ces pillards protestants, dont la piste mène de Plaimpied à Châteaumeillant, en passant par Dun-sur-Auron et Orsan. Un siècle après le passage du Duc des Deux-ponts, le pays de Saint-Amand a été confronté aux troubles de la Fronde. Troubles militaires, certes, mais aussi nécessité de ravitaillement des armées frondeuses et des armées royales pendant le siège du château de Montrond, tenu par les armées du Grand Condé.

C’est de cette époque que datent les premiers registres paroissiaux conservés. Les précisions qu’ils contiennent permettent de mieux connaître la vie des habitants. Le 30 juin 1660, un arrêt du grand conseil « réunit à la cure d’Allichamps les deux tiers de la dixme de bled, que le prieur de la Celle-Bruère avait coutume de lever et percevoir » et « adjuge au prieur d’allichamp les dixmes de Farges ».

En juin 1730, le procès-verbal de la visite pastorale de l’archevêque de Bourges, Monseigneur de la Rochefoucauld décrit l’état de l’église : « nous avons remarqué…que le marbre de l’autel de notre dame de Pitié ne tient point, que les deux chapelles de Saint-Gilbert et Saint-Genefort sont sans aucune décoration, qu’il n’y a point de marbre sur l’autel de la deuxième, qu’il y a une partie de la nef qui n’est pas lambrissée et que le surplus est en mauvais état, qu’il n’y a point de dais au-dessus des fonts baptismaux, que les murs du cimetière ont besoin de réparations, que les grilles qui sont aux avenues sont rompues… »

En 1741, le prieur François PAJONNET prend possession de la cure d’Allichamps (jusqu’en 1793). Il entreprend de faire réparer l’église comme en atteste un devis daté du 28 juin 1744.
« un lambris à faire à neuf à la première nef de l’église en doin ou plancher qui seront secs et bien conditionnés, ledit lambris fait en anse de pannier et le vide qui se trouvera entre le lambris et le cintre du choeur sera rempli par un mur, il sera passé à taille ouverte la couverture de la seconde nef du coté de la rivière, et mis à neuf quatre filières à la charpente de ladite nef, le restant des couvertures des deux nefs sera repiqué ou besoin sera, et il sera posé des coyaux aux couvertures des deux nefs pour leur donner l’égout nécessaire, elles seront affaitées et rivetées à chaux et à sable, le restant des couvertures des deux nefs sera repiqué ou besoin sera,  raccommoder le lambris de la seconde nef ou besoin sera, recarler l’église partout ou besoin sera et pour ce faire l’entrepreneur prendra des tombes dans le cimetière, le mur de la seconde nef du côté de la rivière sera renduit, regriffé, les trous bouchés et blanchis en dedans aussi bien que les deux nefs. »
Ce devis décrit bien la disposition de la nef en deux espaces, dûe au rétrécissement de la partie occidentale, et la composition de la charpente en anse de panier lambrissée.


Les premières fouilles autour de l’édifice datent de la seconde moitié du XVIIIe siècle, à l’initiative du prieur F. Pajonnet, qui occupait la fonction de «desservant de la paroisse». Se référer à l'article qui lui est dédié pour avoir la liste de tout ce qu'il a découvert, dont la fameuse colonne - aujourd'hui symbole du centre de la France.


Sources : Dauzat, Buhot de Kersers, Mallard, De Raynal, Do Laugardière, Boudet, Abbé Offuis, Jean-Yves Hugoniot, Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, Mgr Villepelet, Gaston Petit, Maurice Larguinat, Patricia Duret


L’atlas dit «de Trudaine», dressé entre 1745 et 1780, représente le prieuré entier, entouré de son cimetière, à l’Est, et de quelques maisons au Sud. Allichamps et Bruère sont à l’époque deux localités distinctes : la carte dite «de Cassini», dressée vers 1767-1768, désigne Bruère comme un bourg et Allichamps comme un village. Ils seront rattachés en une seule commune en 1884.


A l’aube de la Révolution Française, Allichamps n’est qu’une petite paroisse d’une vingtaine d’habitants. En 1791, le Directoire du district de Saint-Amand propose la suppression de la cure et à partir de 1793, l’église est peu à peu dépouillée. Le domaine du prieuré est dissocié de l’église et vendu comme bien national pour être affermé en 1791 puis en 1794.

Un mur de refend est construit pour fermer la partie occidentale et la transformer en bâtiment à l’usage du domaine. Une enquête du 4 Thermidor an IV (22 juillet 1796) indique «qu’une grande partie de l’église est écroulée et qu’on y exerce point de culte». Il s’agit de la partie centrale de la nef.
La nef écroulée et la partie orientale de l’église sont vendues en 1799. L’affiche de vente indique : «La ci-devant église de la commune d’Allichamps, canton de La Celle-Bruère, dont partie est écroulée, ce qui est attesté par l’administration municipale dudit canton, en date du premier prairial dernier, cette ci-devant église consiste en un bâtiment de la longueur dans l’oeuvre de quatre-vingt-quatorze pieds sur vingt-huit de large, carrelée en carreaux de La Celle exceptée deux toises qui sont carrelées en carreaux de terre et couverte en tuile». Cette description confirme que les couvertures d’origine du chevet de l’église étaient en tuiles.

Plusieurs cartes dressées au début du XIXe siècle représentent ainsi l’église tronquée de sa partie centrale, la partie occidentale appartenant désormais au «domaine de Lichamp», dont la vocation agricole est lisible sur le cadastre dit «napoléonien».

Les bâtiments situés entre la rivière et la partie occidentale de l’église sont toujours présents aujourd’hui.

Cadastre dit «napoléonien», section B1 du bourg «ancienne commune d’Allichamps», 1813
Etat indicatif des édifices destinés à l’exercice du culte catholique et

de ceux qui n’en sont pas susceptibles, situés dans l'étendue

du canton de la Celle Bruère, 4 Thermidor an IV, cité par A-I Berchon.

Plan du moulin des Bordes vers 1829

Plan détaillé de la rivière du Cher vers 1829


Le 29 Pluviôse an X (18 février 1802), un rapport indique : «dans la commune d’Allichamps, il existe un édifice qui est aliéné et presque détruit» et signale «l’inutilité de la cloche qui y est placée». Celle-ci est transférée dans l’église de St-Amand en 1802 et en 1803, les pierres consacrées des autels et les reliques sont transférées dans la paroisse de La Celle, Eglise Saint Blaise. 

Les deux parties de l’église sont réunies en une seule propriété en 1852. Elle sera revendue en 1904. Entre-temps, la partie écroulée de la nef est reconstruite et l’édifice est transformé en grange et étable par plusieurs remaniements lourds : percements de baies et de portes de grange, construction de murs séparatifs intérieurs, de planchers au niveau de la croisée et des transepts, ajouts d’auges, d’appentis… C’est également à cette période (vers 1820-1830 ou à partir de 1850 selon les sources) que les couvertures en tuiles de l’abside, de l’absidiole Sud et des transepts sont remplacées par des lauzes en calcaire provenant des carrières locales de Bruère et La Celle.


Bras Nord du transept et mur Nord de la nef, 1982, auteur inconnu, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP)
Appentis Nord- Ouest démoli avant les années 1980

«Ancienne église d’Allichamps», vers 1910-1920, carte postale ancienne, EMB éditeur, AD Cher


Les photographies les plus anciennes connues datent de 1924 et ont été prises par Lucien Roy, alors ACMH du Cher. Elles ont vraisemblablement été prises en parallèle de l’inscription de l’édifice à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. On remarque sur ces photos la présence d’un mur, édifié dans le prolongement du pignon du transept Sud, qui devait délimiter l’emprise de l’ancien cimetière. On note aussi que les ouvertures des transepts et de l’abside sont murées et qu’une large porte a été créée dans l’axe de l’abside.

La Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP) conserve également deux séries de photographies de grand intérêt, l’une datant de 1982-1986, l’autre ayant été réalisée par A-I. Berchon (CRMH) en 1994 en vue du classement MH de l’édifice. La comparaison entre les vues du prieuré juste avant les travaux de l’association (à gauche) et une dizaine d’années après (à droite) est pertinente pour comprendre l’état de délabrement dans lequel se trouvait l’édifice et mesurer l’ampleur des travaux menés.

Abside: réouverture de la baie axiale, bouchement de la porte de grange, restauration des maçonneries, dévégétalisation, restauration des couvertures, fermeture de l'appentis Nord.

Chevet et transept Nord : bouchement des baies agricoles sur le mur du transept, reprise des arases du transept, dévégétalisation, restauration des couvertures, fermeture des appentis Nord, Les assises disparues des contre-fort colonnes sont également restituées.

Mur gouttereau Nord : restauration des maçonneries, bouchement d’une porte et de baies agricoles, dévégétalisation, mise hors d’eau de la croisée par une couverture en bac acier.

Façade Ouest et mur gouttereau Sud : bouchement de petites baies sur le gouttereau, dévégétalisation

Mur gouttereau Sud : dévégétalisation, restauration des maçonneries, bouchement d’une baie agricole

Transept Sud et chevet : Réouverture des baies axiales, dévégétalisation, démolition de l’ancien mur, restauration de la couverture en lauze de l’absidiole, restauration des maçonneries, bouchement de la porte dans l’axe de l’abside


Les photographies de l'intérieur du prieuré, prises en 1985 montrent bien les séquelles du prieuré dues à l’aménagement de plancher intermédiaire et murets séparatifs, les maçonneries des piles de la croisée et les enduits des voûtes sont particulièrement touchés. Un treuil, installé à l’emplacement de l’ancienne absidiole Nord, permet de desservir le plancher haut de la croisée, servant au stockage des bottes de foins.

Planchers intérieurs au niveau de la croisée 1982/1985

Chapiteaux et Modillons lors des travaux 1982/1985


Enfin, nous disposons de multiples photographies des chapiteaux et modillons sculptés à différentes périodes.

(1924-1925, 1982-1986, 1985, 1994). Ces clichés permettent d’observer des dégradations au niveau des sculptures et qui seront restituées lors des travaux de restauration par les premiers membres de l'Association.


Le classement par les Monuments Historiques

A partir de 1994, grâce à l'association et surtout à son Président Maurice Larguinat, une demande de classement au titre des Monuments historiques est menée.
L’édifice est finalement classé en par arrêté du 9 août 2007.

Cela marque également la fin des travaux des bénévoles. A la suite d'un procès concernant les travaux précédemment effectués, il est notifié et rappelé que seuls les Architectes des bâtiments de France sont habilités à intervenir de façon durable sur l'entretien du bâti.